Le cinéaste Claude Miller est mort
Page 1 sur 1
Le cinéaste Claude Miller est mort
Révélé par La Meilleure Façon de marcher en 1976, le réalisateur Claude Miller, auteur d'Un secret (2007), succès public aux profondes résonances autobiographiques, est mort mercredi soir 4 avril, il avait 70 ans.
Elève de la Nouvelle Vague (il avait été le collaborateur de Jean-Luc Godard et François Truffaut), Claude Miller a construit en seize longs métrages de fiction une filmographie diverse, qui l'a porté aux sommets (il a reçu le prix Louis Delluc en 1985 pour L'Effrontée, le Prix du jury à Cannes en 1998 pour La Classe de neige) et lui a fait traverser quelques déserts, comme les trois ans d'inactivité qui suivirent l'échec de Dites lui que je l'aime, en 1985.
Il était aussi un réalisateur citoyen, intervenant dans le débat sur l'exception culturelle, président de l'ARP (Association des réalisateurs producteurs) dans les années 1990, puis membre du "Club des 13", qui a milité à partir de 2008 pour une réforme du système de production français.
Claude Miller est né le 20 février 1942 à Paris et a grandi à Montreuil (Seine-Saint-Denis) dans une famille juive laïque. Son père, militant de gauche, ressemble au personnage qu'incarne Patrick Bruel dans Un secret, a raconté le réalisateur, qui le dépeint comme un homme à carrure d'athlète prenant ses distances avec son identité juive. L'oncle de Claude Miller, Serge Miller, rescapé de Buchenwald, a raconté ses souvenirs dans Le Laminoir.
A 20 ans, Claude Miller entre à l'Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) et effectue son stage de sortie sur le plateau de Trois chambres à Manhattan, de Marcel Carné. Après avoir effectué son service militaire au service cinématographique des armées, il est l'assistant de Robert Bresson pour Au hasard Balthazar, de Jacques Demy pour Les Demoiselles de Rochefort et de Jean-Luc Godard pour Week-end.
De 1968 à 1975, il dirige la production de tous les longs métrages de François Truffaut, à l'exception de La Nuit américaine. Claude Miller se réfèrera souvent à Truffaut, à l'écran comme dans ses interviews. Comme l'auteur de La Chambre verte, il tentera toujours de concilier souci du public et exigence esthétique.
CARRIÈRE RELANCÉE PAR "GARDE À VUE"
Tout en menant sa carrière de directeur de production, le jeune Claude Miller réalise des courts métrages, dont Camille ou la comédie catastrophique (1971), avec Juliet Berto, est projeté en salles à Paris et attire l'attention de la critique. Si bien que ce n'est pas un parfait inconnu qui propose, au printemps 1976, La Meilleure Façon de marcher. Situé dans une colonie de vacances où de grands adolescents ont l'impression d'être des adultes parce qu'ils ont la charge de plus petits qu'eux, le film met aux prises un moniteur séduisant et sadique incarné par Patrick Dewaere et son collègue sensible et fragile, que joue Patrick Bouchitey. La popularité de Dewaere aide à faire passer la cruauté du film, qui joue aussi sur la fibre anti-autoritaire de l'époque.
Le succès public de La Meilleure façon de marcher permet à Claude Miller d'enchaîner immédiatement sur le tournage de Dites lui que je l'aime (1977), un drame amoureux adapté d'un roman de Patricia Highsmith, Ce mal étrange. Malgré sa distribution (Gérard Depardieu, Miou Miou, Dominique Laffin), le film est un échec cinglant.
En attendant qu'une nouvelle occasion de tourner un long métrage se présente, Claude Miller tourne des publicités. En 1980, le producteur Georges Dancigers lui propose un projet qu'ont refusé Costa Gavras et Yves Boisset. Adapté d'un roman noir américain de John Wainwright, dialogué par Michel Audiard, le film Garde à vue est un huis clos opposant un policier opiniâtre (Lino Ventura) et un notaire retors (Michel Serrault), avec pour troisième sommet du triangle, la présence mystérieuse de Romy Schneider. A sa sortie, à l'automne 1981, le film est un immense succès public et remporte quatre Césars. La carrière de Claude Miller est relancée.
TRILOGIE ADOLESCENTE
Il tourne à nouveau avec Serrault, Mortelle randonnée (1983), un autre film noir, dans lequel Isabelle Adjani incarne un ange exterminateur qui sillonne l'Europe. C'est l'époque où le cinéma français se plaît à parer les histoires américaines des paillettes de l'esthétique new wave, et Mortelle randonnée, qui n'était pas le film favori de son auteur, succombe parfois à ce travers.
De 1985 à 1993, Claude Miller réalise une trilogie adolescente, avec pour interprète Charlotte Gainsbourg, puis Romane Bohringer. L'Effrontée met en scène une jeune fille de milieu modeste qui se frotte à une famille très aisée. Le succès du film et le César du meilleur espoir à Charlotte Gainsbourg sont entachés par le procès intenté par les héritiers de Carson McCullers qui ont cru, non sans raisons, reconnaître La Ballade de Frankie Adams de la romancière américaine dans le scénario de Claude et Annie Miller, Bernard Stora et Luc Béraud.
Vient ensuite La Petite Voleuse (1988), toujours avec Charlotte Gainsbourg, dont la source est cette fois clairement établie. Le scénario développe un synopsis d'une trentaine de pages écrit par l'ancien mentor de Claude Miller, François Truffaut, mort en 1981. Ce triptyque se clôt quatre ans plus tard avec L'Accompagnatrice, adapté de Nina Berberova, dans lequel Romane Bohringer tient le rôle d'une pianiste ballottée au gré des courants de l'histoire dans le sillage d'une cantatrice.
En 1994, Le Sourire, farce érotique avec Jean-Pierre Marielle et Mathilde Seigner, est un échec commercial et critique qu'efface le succès cannois de La Classe de neige, tiré du roman d'Emmanuel Carrère.
EXPLORATEUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Dès le début du nouveau millénaire, Claude Miller s'essaie aux nouvelles technologies, réalisant La Chambre des magiciennes en numérique. Il est à nouveau sélectionné en compétition à Cannes en 2003 avec La Petite Lili, un drame contemporain inspiré de La Mouette. Le moment le plus révélateur du film survient lors de la confrontation entre le jeune cinéaste que joue Robinson Stévenin et l'artiste établi qu'interprète Bernard Giraudeau. Entre l'avant-garde et la tradition, Claude Miller fait le grand écart : "Je suis un ancien jeune cinéaste et un nouveau vieux cinéaste", dit-il au Monde.
Lorsque le producteur Yves Marmion lui propose d'adapter Un secret, de Philippe Grimbert, Claude Miller y voit l'occasion de traiter d'un sujet "qui ne s'était jamais présenté auparavant", la Shoah et le sort des survivants. Si ce traitement ne fait pas l'unanimité de la critique, le public est convaincu. En 2009, le cinéaste réalise avec son fils Nathan Je suis heureux que ma mère soit vivante, puis Voyez comme il danse, étrange récit construit entre France et Québec, sur le mode de Citizen Kane.
Parallèlement, Claude Miller intervient constamment dans les débats qui traversent le cinéma français. A la tête de l'ARP, il participe à la fondation des Rencontres cinématographiques de Beaune (depuis établies à Dijon) en 1991. En 1998, il signe un texte pour "la souveraineté culturelle" avec Claude Lelouch. Et lorsque Pascale Ferran crée le Club des 13, en 2008, Claude Miller y fait figure de grand ancien pour défendre, aux côtés de personnalités comme la réalisatrice de Lady Chatterley, le "cinéma du milieu", celui qui, pour toucher son public tout en gardant son âme, a besoin de moyens.
A l'été 2011, Claude Miller tournait dans la région de Bordeaux. Il dirigeait Audrey Tautou et Gilles Lellouche dans Thérèse D., d'après Thérèse Desqueyroux de François Mauriac. La sortie du film est prévue pour l'automne.
Claude Miller avec Julie Depardieu
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Elève de la Nouvelle Vague (il avait été le collaborateur de Jean-Luc Godard et François Truffaut), Claude Miller a construit en seize longs métrages de fiction une filmographie diverse, qui l'a porté aux sommets (il a reçu le prix Louis Delluc en 1985 pour L'Effrontée, le Prix du jury à Cannes en 1998 pour La Classe de neige) et lui a fait traverser quelques déserts, comme les trois ans d'inactivité qui suivirent l'échec de Dites lui que je l'aime, en 1985.
Il était aussi un réalisateur citoyen, intervenant dans le débat sur l'exception culturelle, président de l'ARP (Association des réalisateurs producteurs) dans les années 1990, puis membre du "Club des 13", qui a milité à partir de 2008 pour une réforme du système de production français.
Claude Miller est né le 20 février 1942 à Paris et a grandi à Montreuil (Seine-Saint-Denis) dans une famille juive laïque. Son père, militant de gauche, ressemble au personnage qu'incarne Patrick Bruel dans Un secret, a raconté le réalisateur, qui le dépeint comme un homme à carrure d'athlète prenant ses distances avec son identité juive. L'oncle de Claude Miller, Serge Miller, rescapé de Buchenwald, a raconté ses souvenirs dans Le Laminoir.
A 20 ans, Claude Miller entre à l'Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) et effectue son stage de sortie sur le plateau de Trois chambres à Manhattan, de Marcel Carné. Après avoir effectué son service militaire au service cinématographique des armées, il est l'assistant de Robert Bresson pour Au hasard Balthazar, de Jacques Demy pour Les Demoiselles de Rochefort et de Jean-Luc Godard pour Week-end.
De 1968 à 1975, il dirige la production de tous les longs métrages de François Truffaut, à l'exception de La Nuit américaine. Claude Miller se réfèrera souvent à Truffaut, à l'écran comme dans ses interviews. Comme l'auteur de La Chambre verte, il tentera toujours de concilier souci du public et exigence esthétique.
CARRIÈRE RELANCÉE PAR "GARDE À VUE"
Tout en menant sa carrière de directeur de production, le jeune Claude Miller réalise des courts métrages, dont Camille ou la comédie catastrophique (1971), avec Juliet Berto, est projeté en salles à Paris et attire l'attention de la critique. Si bien que ce n'est pas un parfait inconnu qui propose, au printemps 1976, La Meilleure Façon de marcher. Situé dans une colonie de vacances où de grands adolescents ont l'impression d'être des adultes parce qu'ils ont la charge de plus petits qu'eux, le film met aux prises un moniteur séduisant et sadique incarné par Patrick Dewaere et son collègue sensible et fragile, que joue Patrick Bouchitey. La popularité de Dewaere aide à faire passer la cruauté du film, qui joue aussi sur la fibre anti-autoritaire de l'époque.
Le succès public de La Meilleure façon de marcher permet à Claude Miller d'enchaîner immédiatement sur le tournage de Dites lui que je l'aime (1977), un drame amoureux adapté d'un roman de Patricia Highsmith, Ce mal étrange. Malgré sa distribution (Gérard Depardieu, Miou Miou, Dominique Laffin), le film est un échec cinglant.
En attendant qu'une nouvelle occasion de tourner un long métrage se présente, Claude Miller tourne des publicités. En 1980, le producteur Georges Dancigers lui propose un projet qu'ont refusé Costa Gavras et Yves Boisset. Adapté d'un roman noir américain de John Wainwright, dialogué par Michel Audiard, le film Garde à vue est un huis clos opposant un policier opiniâtre (Lino Ventura) et un notaire retors (Michel Serrault), avec pour troisième sommet du triangle, la présence mystérieuse de Romy Schneider. A sa sortie, à l'automne 1981, le film est un immense succès public et remporte quatre Césars. La carrière de Claude Miller est relancée.
TRILOGIE ADOLESCENTE
Il tourne à nouveau avec Serrault, Mortelle randonnée (1983), un autre film noir, dans lequel Isabelle Adjani incarne un ange exterminateur qui sillonne l'Europe. C'est l'époque où le cinéma français se plaît à parer les histoires américaines des paillettes de l'esthétique new wave, et Mortelle randonnée, qui n'était pas le film favori de son auteur, succombe parfois à ce travers.
De 1985 à 1993, Claude Miller réalise une trilogie adolescente, avec pour interprète Charlotte Gainsbourg, puis Romane Bohringer. L'Effrontée met en scène une jeune fille de milieu modeste qui se frotte à une famille très aisée. Le succès du film et le César du meilleur espoir à Charlotte Gainsbourg sont entachés par le procès intenté par les héritiers de Carson McCullers qui ont cru, non sans raisons, reconnaître La Ballade de Frankie Adams de la romancière américaine dans le scénario de Claude et Annie Miller, Bernard Stora et Luc Béraud.
Vient ensuite La Petite Voleuse (1988), toujours avec Charlotte Gainsbourg, dont la source est cette fois clairement établie. Le scénario développe un synopsis d'une trentaine de pages écrit par l'ancien mentor de Claude Miller, François Truffaut, mort en 1981. Ce triptyque se clôt quatre ans plus tard avec L'Accompagnatrice, adapté de Nina Berberova, dans lequel Romane Bohringer tient le rôle d'une pianiste ballottée au gré des courants de l'histoire dans le sillage d'une cantatrice.
En 1994, Le Sourire, farce érotique avec Jean-Pierre Marielle et Mathilde Seigner, est un échec commercial et critique qu'efface le succès cannois de La Classe de neige, tiré du roman d'Emmanuel Carrère.
EXPLORATEUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Dès le début du nouveau millénaire, Claude Miller s'essaie aux nouvelles technologies, réalisant La Chambre des magiciennes en numérique. Il est à nouveau sélectionné en compétition à Cannes en 2003 avec La Petite Lili, un drame contemporain inspiré de La Mouette. Le moment le plus révélateur du film survient lors de la confrontation entre le jeune cinéaste que joue Robinson Stévenin et l'artiste établi qu'interprète Bernard Giraudeau. Entre l'avant-garde et la tradition, Claude Miller fait le grand écart : "Je suis un ancien jeune cinéaste et un nouveau vieux cinéaste", dit-il au Monde.
Lorsque le producteur Yves Marmion lui propose d'adapter Un secret, de Philippe Grimbert, Claude Miller y voit l'occasion de traiter d'un sujet "qui ne s'était jamais présenté auparavant", la Shoah et le sort des survivants. Si ce traitement ne fait pas l'unanimité de la critique, le public est convaincu. En 2009, le cinéaste réalise avec son fils Nathan Je suis heureux que ma mère soit vivante, puis Voyez comme il danse, étrange récit construit entre France et Québec, sur le mode de Citizen Kane.
Parallèlement, Claude Miller intervient constamment dans les débats qui traversent le cinéma français. A la tête de l'ARP, il participe à la fondation des Rencontres cinématographiques de Beaune (depuis établies à Dijon) en 1991. En 1998, il signe un texte pour "la souveraineté culturelle" avec Claude Lelouch. Et lorsque Pascale Ferran crée le Club des 13, en 2008, Claude Miller y fait figure de grand ancien pour défendre, aux côtés de personnalités comme la réalisatrice de Lady Chatterley, le "cinéma du milieu", celui qui, pour toucher son public tout en gardant son âme, a besoin de moyens.
A l'été 2011, Claude Miller tournait dans la région de Bordeaux. Il dirigeait Audrey Tautou et Gilles Lellouche dans Thérèse D., d'après Thérèse Desqueyroux de François Mauriac. La sortie du film est prévue pour l'automne.
Claude Miller avec Julie Depardieu
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Sujets similaires
» Claude Chabrol un géant du cinéma nous quitte.
» mort du forum?
» Bernard-Pierre Donnadieu est mort
» Steve Jobs est mort
» Michel Polac est mort à l'âge de 82 ans
» mort du forum?
» Bernard-Pierre Donnadieu est mort
» Steve Jobs est mort
» Michel Polac est mort à l'âge de 82 ans
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum